Photo: Olivier Zuida Le Devoir – Parmi les changements essentiels à apporter, il faut donner la parole aux voix autochtones.
Virginie Ann – La Presse canadienne
Des leaders autochtones et des enseignants en histoire soutiennent que le moment est venu de réviser la manière dont on transmet l’histoire des Autochtones dans les écoles primaires et secondaires au Québec.
Les récentes découvertes de sépultures anonymes sur les sites d’anciens pensionnats en Colombie-Britannique et en Saskatchewan ont mis une fois de plus en lumière les horreurs causées par le système colonial. Pour des enseignants, ces tombes les forcent à repenser la manière d’aborder l’histoire avec les enfants.
Pour la présidente de la Commission scolaire crie, Sarah Pashagumskum, qui supervise les établissements d’éducation dans neuf communautés de la région d’Eeyou Istchee, dans le Nord-du-Québec, ces découvertes offrent « une occasion de donner aux élèves une vision plus complète de la manière par laquelle Québec est devenu la province qu’elle est aujourd’hui ».
« C’est plus que le simple fait de reconnaître qu’on a découvert des sépultures sur le site de pensionnats et de se dire à quel point c’est triste », a partagé Mme Pashagumskum en entrevue à La Presse canadienne.
La semaine dernière, la Première Nation de Cowessess, en Saskatchewan, a annoncé avoir retrouvé grâce à des radars pénétrants 751 sépultures anonymes sur le site de l’ancien pensionnat pour Autochtones de Marieval. La nouvelle faisait suite à une autre découverte, en mai dernier, de ce que l’on croit être les restes de 215 enfants autochtones sur le site d’un autre pensionnat à Kamloops, en Colombie-Britannique.
Un enseignant d’histoire dans une école secondaire de Rouyn-Noranda, Jonathan St-Pierre, dit se faire prudent dans la manière dont il décrit le rôle joué par le Québec.
Il explique que le programme d’enseignement en histoire ne parle que de la responsabilité du gouvernement fédéral dans le système des pensionnats, alors que le Québec, des Québécois et l’Église catholique y ont tous participé de différentes manières. Cette information demeure toutefois absente des manuels.
Jonathan St-Pierre ajoute que le programme d’histoire enseigné au Québec laisse la liberté aux enseignants de déterminer l’importance qu’ils veulent accorder à l’histoire des Autochtones dans leur plan de cours. Une réalité qui crée des disparités dans la manière dont les élèves apprennent sur les Premières Nations d’une école à l’autre.
Du point de vue de Michèle Audette, conseillère principale en matière de réconciliation et d’éducation autochtone à l’Université Laval, ce n’est pas nécessairement la faute des enseignants, mais ceux-ci ne connaissent pas les cultures autochtones.
Elle se désole de voir qu’on raconte encore que les Autochtones vivent dans des maisons longues ou sont nomades alors que ces cultures sont beaucoup plus riches et plus complexes.
Québec a investi 1,6 million de dollars pour actualiser le contenu autochtone dans ses manuels d’histoire en 2018. On a notamment retiré les illustrations stéréotypées et on a ajouté des biographies de personnages historiques autochtones.
Mais toute l’horreur du système des pensionnats n’est mentionnée que par un bref passage, où l’on parle de propagation de la culture judéo-chrétienne et de tentative d’assimilation des peuples au reste de la population canadienne.
À ce sujet, Sarah Pashagumskum estime que malgré toutes les discussions et tentatives de réécriture, les changements apportés ne sont que cosmétiques.
Le ministre des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, assure cependant que d’autres réformes du programme d’histoire sont en cours. Il admet que le moment est opportun pour restructurer le programme et d’y ajouter ce qu’il manque. Le ministre promet que l’enseignement de l’histoire des Autochtones sera amélioré.
Ian Lafrenière n’a toutefois pas donné de détails sur l’échéancier ni sur le genre de modifications qui pourraient être apportées.
Parmi les changements essentiels à apporter, selon Sarah Pashagumskum, il faut donner la parole aux voix autochtones. Il s’agit du seul moyen d’éviter de retomber dans les stéréotypes racistes et les fausses croyances.